Fondation Culturelle
Plus de quatre-vingts legs et documents artistiques au sujet de plus de 80 000 noms de l’histoire du cabaret et de ses précurseurs historiques constituent la collection essentielle des Archives nationales du cabaret allemand.
Fondée en 1961 par Reinhard Hippen à Mayence, la collection privée a été léguée en 1989 à la ville de Mayence, tout d’abord comme fondation dépendante. Depuis les Archives ont pu devenir sous la direction de Jürgen Kessler une fondation culturelle supportée par plusieurs organismes de droit public et reconnue d’intérêt national depuis 1999, recevant des subventions des responsables du gouvernement fédéral pour la culture et les médias. En 2004 eut lieu le déménagement à Mayence dans le Proviant-Magazin (un entrepôt historique de céréales).
La collection de Bernburg
Dans le deuxième site à Bernburg sur la Saale, on collectionne et documente l’histoire du cabaret de l’ex-RDA avec le soutien de la ville de Bernburg et de la République Fédérale, à proximité de la tour de « Eulenspiegel » (Till l’Espiègle) dans le Christiansbau du château de Bernburg depuis l’automne 2004.
Les étoiles de la satire
Les deux sites rappellent dans le cadre de leur présentation muséale, les grands noms du cabaret du 20ème siècle et présentent les étoiles de la satire dans des expositions permanentes. Mayence met en lumière les immortels de l’histoire du cabaret entre l’entrepôt historique et le théâtre « Unterhaus » grâce à un « Walk of Fame », une allée des célébrités du cabaret, et Bernburg grâce à une « Hall of Fame » dans le château de Bernburg.
Archives nationales des Cabarets allemands
Centre de documentation de la satire en langue allemande
Depuis 1961
Mission | Le cabaret comme lieu d´expression de la satire ; ses contenus littéraires, politiques, philosophiques et poétiques sont au centre de l’intérêt documentaire. La collection en continu et l’utilisation scientifique de ses multiples formes est la mission principale des Archives nationales du Cabaret allemand.
On traite des demandes quotidiennement, les utilisateurs viennent du monde entier. Les archives servent avant tout de lieu de recherches et de documentation pour des études, des dissertations et des travaux d’examen dans les matières littéraires, dans les études d’art dramatique, la science des médias, la musicologie, la linguistique, la sociologie, les sciences de la communication, de la culture et de la politique.
Les expositions des Archives sont régulièrement en tournée en Allemagne. Jusqu’ici on a pu les voir en Suisse, Autriche, Israël, au Luxembourg, Japon, Pologne, Hongrie et Australie. L’exposition en six parties de « 100 JAHRE KABARETT » (CENT ANS DE CABARET) a été inaugurée à l’Académie des Arts de Berlin.
Sur demande du Président du Conseil fédéral (le Bundesratpräsident), et à l’occasion de la fête nationale, une exposition spéciale a été préparée sur le sujet « Le cabaret politique comme miroir de l´histoire allemande : séparer, railler et rire ensemble »
Le Kabarettarchiv
retrace l’ histoire du cabaret en Allemagne depuis sa naissance le 18 janvier 1901 et nous raconte son passé, son évolution, son actualité et son pouvoir d’action, même en période de répression et d’intolérance. 2018 cela fait tout juste 80 ans que se déroula la « Nuit de Cristal », nom euphémique donné aux évènements de la nuit du 9 au 10 novembre 1938. Il y a 85 ans, le 10 mai 1933, on brûla des livres à Berlin. A Mayence ce fut peu de temps après, le 23 juin.
Dans ses mémoires « Histoire d’un allemand : Souvenirs de 1914 – 1933 », Sebastian Haffner nous décrit ce que fut le cabaret politico-littéraire en dépit des circonstances pendant les années de terreur du régime national- socialiste
Aux cours
des premières années du nazisme la vie quotidienne semblait ne pas avoir changé. … Bien sûr, cela ne parle pas non plus en notre faveur, qu’ayant éprouvé une angoisse mortelle sachant que nous courions un extrême danger nous n’ayons rien trouvé de mieux à faire que d’ignorer autant que possible la situation, et de ne pas nous laisser priver de notre plaisir. Je crois qu’il y a cent ans un jeune couple aurait trouvé mieux, ne serait-ce qu’une grande nuit d’amour pimentée par le danger et le désarroi. Mais nous n’eûmes pas l’idée d’en faire quelque chose d’exceptionnel et, comme personne ne nous en empêchait, nous allâmes au cabaret. D’abord parce que nous l’aurions fait de tout façon, ensuit pour penser le moins possible aux choses désagréables. Cela peut ressembler à du sang-froid et à de l’intrépidité, mais c’est sans doute plutôt le signe d’une certaine atrophie du sentiment; cela montre que nous n’étions pas, fût-ce dans la souffrance, à la hauteur de la situation. C’est, si l’on veut bien me permettre dès maintenant cette généralisation, l’un des traits les plus inquiétants de l’histoire récente de l’Allemagne: ses crimes n’ont pas de martyrs. Tout se passe dans une sorte de torpeur, et le monstruosités objectives recouvrent une sensibilité ténue, atrophiée. On commet de meurtres dans la même disposition d’esprit qu’une niche de gamin, on ressent l’avilissement de soi et l’anéantissement moral comme un incident fâcheux, et même le martyre physique n’inspire guère d’autre réflexion que: “Pas de bol.”
Pourtant,
notre insouciance trouva ce soir-là une injuste récompense, car le hasard nous conduisit précisément à la Katakombe, e ce fut le deuxième événement marquant de la soirée. Nous sommes entrés dans le seul lieu public d’Allemagne où se pratiquait une sorte de résistance — avec courage, esprit, élégance. Le matin, j’avais vu le tribunal de Prusse, riche d’une tradition séculaire, capituler lamentablement devant les nazis. Le soir, je vis une poignée de petits chansonniers berlinois sans la moindre tradition sauver l’honneur, glorieusement et avec grâce. Le tribunal était tombé La Katakombe restait debout.
L’homme
que conduisait à la victoire son bataillon d’acteurs — car conserver dignité et fermeté face à une puissance supérieure menaçante et meurtrière est forme de victoire — était Werner Finck, et ce petit chansonnier a incontestablement sa place dans l’histoire du Troisième Reich, une des rares places d’honneur qui y sont dispensées. Il n’avait pas l’air d’un héros, et s’il a fini par en devenir un, ou presque il l’est devenu malgré lui. Pas un acteur révolutionnaire, pas un railleur mordant, pas un David armé de sa fronde. Son caractère le pus profond était l’innocence et la gentillesse. Son humour était exquis, dansant, léger, son arme préférée l’ambiguïté et le jeu de mot, qu’il finit par maîtriser en véritable virtuose. Il avait inventé quelque chose qu’on appelait la “pointe cachée”, et certes, plus le temps passait, plus il avait intérêt à cacher ses pointes. Mais il ne cachait pas ses opinions. Il restait un trésor d’innocence et de gentillesse dans un pays où ces qualités étaient vouées à l’extermination. Et cette innocence et cette gentillesse cachaient la pointe d’un véritable, d’un indomptable courage. Il osait parler de la réalité nazie, en pleine Allemangne. Ses sketches évoquaient les camps de concentration, les perquisitions, la peur universelle, le mensonge général; et ses railleries indiciblement discrètes, mélancoliques et navrées, étaient une grande consolation.
Ce 31 mars 1933
fut peut-être son triomphe. La salle était pleine de gens qui regardaient le lendemain comme un abîme béant. Finck les fit rire comme je n’ai jamais entendu rire un public. C’était un rire pathétique, le rire d’un défi nouveau-né qui laissait derrière lui l’hébétude et le désespoir, et le péril contribuait à nourrir ce rire — n’était-ce pas presque un miracle que les SA ne fussent pas entrés depuis longtemps pour arrêter tout le monde?
Sans doute aurions-nous, ce soir-là, continué à rire dans le panier à salade. Nous planions de façon incroyable audessus de la peur et du danger. Sebastian Haffner, Histoire d’un Allemand, Souvenirs 1914–1933 (Babel) Traduit de l’Allemand par Brigitte Hébert (2002)
Passez nous voir…
Vous allez être surpris si vous me rendez visite dans le Proviant-Magazin (un entrepôt historique de céréales) à Mayence. Je suis tout sauf un stéréotype d’archives poussiéreuses. Malgré ma jeunesse, on peut dire que je suis un classique. De plus, je me permets de me présenter dans avec une élégance muséale sur plus de mille mètres carrés. Pour vous bien-sûr ! Après tout je remplis une mission. Dans l’intérêt du public pour la culture. Je protège un genre à part entière, une forme artistique singulière. Mon créateur m’inscrit dans le registre officiel comme « Centre de Documentation de la Satire germanophone ». Aussitôt après son arrivé à Mayence en 1961, il me nomma avec fierté « Archives des Cabarets Allemands ».
Depuis
mes collaborateurs et collaboratrices s’occupent des différentes formes de représentations et de manifestations de la satire dans le monde entier. C’est pourquoi nous recevons souvent des visites internationales. Récemment une étudiante de Moscou était là, collaborateurs et collaboratrices s’occupent des différentes formes de représentations et de manifestations de la satire dans le monde entier. C’est pourquoi nous recevons souvent des visites internationales. Récemment une étudiante de Moscou était là, afin de dénicher des documents des années vingt pour sa promotion et une professeure du Japon était intéressée par le cabaret en exil. Une fois une doctorante de l’Université de Yale séjourna pendant neuf mois dans les profondeurs des Archives, afin de retrouver le rôle du troubadour au Moyen Âge comme précurseur du chansonnier politique. Des demandes écrites arrivent régulièrement du monde entier, manifestant ainsi un grand intérêt pour mes trésors. C’est pourquoi j’ai pu inaugurer jusqu’ici plus de cent soixante expositions depuis le début du 21ème siècle. Et dans sept pays d’Europe. Parmi eux, la France. Dans la Maison Heinrich Heine à la Cité Internationale Universitaire de Paris : LE MONDE, UN CABARET ! Les débuts du cabaret littéraire en Allemagne et en rance. Puis à Montpellier, Toulouse, Lyon, Dijon. Dans l’espace germanophone nous avons parcouru avec « 100 Jahre Kabarett, von Alzey bis Zürich » (100 ans de cabaret, de Alzey jusqu’{ Zurich). Cette exposition montre une grande partie de ce que je possède. Le genre ! Ses différentes formes et manifestations. Son histoire. Il s’agit l{ des artistes, hommes et femmes. Et plus particulièrement du cabaret politique et littéraire comme un art orienté vers la démocratie et la liberté.
2 Il s’agit de ses auteurs. L’histoire de leurs vies. Souvent c’était l´histoire de leurs souffrances. Et il s’agit de leurs significations à travers les époques pour les personnes intéressées. Pour le public de la Belle Époque. De l’époque impériale. Entre changement et censure. Entre la 1ère et la 2ème Guerre Mondiale. Entre démocratie et dictature, militarisme et fascisme. Il s’agit de l’art de la survie. Dans l´exil intérieur et extérieur. Entre les styles et entre les chaises. Il s’agit de notre culture. De ses changements. D’éducation. Et bien sûr il s’agit de rire. Aujourd’hui et autrefois. Rire de nous-mêmes et des autres. Il s’agit d’une topographie de la raillerie et de son langage au fil du temps. Il s’agit tout autant d’humour et de poésie dans « l’humain-bien-trophumain ». De l’absurde et du concret. De la critique du présent sous forme artistique. Et surtout, il s’agit aussi de divertissement. Dès le début. Et d’amour aussi ! Collectionner est, par ailleurs, aussi une forme d’amour, disait le p ilosophe américain George Steiner.
Les mélanges des différents arts de la scène
qui constituent le cabaret existent formellement depuis la fin du dixneuvième siècle seulement. Ces mélanges sont symbolisés par la très belle expression française « cabaret ». D’un côté, cela désigne la buvette, une petite taverne, et porte en soi un caractère d´intimité. D’un autre côté, cela désigne des
saladiers avec compartiments, le plateau des hors‑d’œuvre. Les compartiments tout autour représentent les différents arts de la scène, musique, théâtre, récitations, danse, sketches, et aussi la peinture. Après quelques précurseurs comme le « Cabaret des Assassins », où l’on chantait des goualantes sur les assassins, c’était Rodolphe Salis, peintre { l’origine, qui monta sur un tonneau un soir de 1881 dans son bistro le « Chat Noir » à Montmartre et qui annonça à un public amusé, joyeux et nanti les présentations des différents artistes. Ce fût la naissance de ce que le monde connaît de nos jours du cabaret littéraire et critique de son temps. Salis, { l’origine des ainsi nommés Cabarets Artistiques, était le premier présentateur dans sa corporation. Il était en quelque sorte la sauce liante dans le compartiment central du saladier. Ses présentations avaient mauvaise réputation ! Tantôt insultantes, agressives, tout comme les chansons qui étaient présentées. Mais c’est précisément ce qui attirait le public d’intellectuels parisiens. Et bientôt ce fût l’élite littéraire qui grimpa sur la « Butte sacrée ». Les politiciens et les aristocrates les suivirent. Victor Hugo et Émile Zola, par exemple ; l’italien Giuseppe Garibaldi, un combattant de la liberté y venait, et aussi le prince Jérôme Bonaparte, le petitneveu du grand Napoléon et neveu de Napoléon III. De nombreux chanteurs, compositeurs et orateurs de grand talent se produisirent également, la plupart devinrent célèbres, par exemple Aristide Bruant et Yvette Guilbert, la première grande diseuse du cabaret français. Son pendant masculin Aristide Bruant poursuivit sa carrière dans son bistro « Mirliton » avec des chansons engagées contre la double-morale d’une bourgeoisie aisée. Une affiche
d’Henri de Toulouse-Lautrec l’a rendu célèbre dans le mondeentier. Deux affiches du Chat Noir de 1895 ont récemment trouvé leur place dans les armoires de mes archives, avec les autres, presque vingt mille exemplaires de toutes les périodes du vingtième siècle. Cela commença avec une partie de la population enthousiasmée par l’art et la culture. Le cabaret était alors, tout au moins pour la bohème, le moyen d’expression choisi. L’écrivain Otto Julius Bierbauer le propageait de la manière suivante : « Renaissance des arts et de la vie dans les cafés-concerts ! Nous allons danser vers une nouvelle culture ! Nous allons mettre au monde le surhomme sur les planches : nous allons renverser ce monde stupide ! » Et c’était sérieux ! Malheureusement ce furent par la suite
bien d’autres personnes qui ont renversé le monde. Mais pourtant quelque chose de nouveau se passait vers 1900 ! C’était une époque de changements, une ambiance de renouveau : l’homme, un être jeté dans le monde. Le monde, un cabaret ! Comme pour l’art nouveau, cette nouvelle forme artistique créait un véritable mouvement, il était « in », il était « en vogue », il devint une vague qui déborda vers la capitale du Reich. C’est l{-bas que le Baron Ernst von Wolzogen fit carrière avec son cabaret « Überbrettl », le 18 janvier 1901, le trentième anniversaire de la création du Reich. Le « règlement intérieur» de l’entreprise était archivé.
A Munich
ce seront bientôt les « Elf Scharfrichter », les onze bourreaux, qui entreront en scène, le premier véritable cabaret politique en Allemagne. Frank Wedekind participa au onze, mais aussi Marc Henry, qui venait de Paris. C’est ainsi que mes ancêtres les plus proches se nourrissaient côté maternel de la France et côté paternel de l’Allemagne. Imbriqués au niveau européen, tout comme la vieille aristocratie. Et puis cela avança coup sur coup ! Dès 1901 émergeaient au bord de la Spree quarante établissements avec un programme de cabaret littéraire. A Vienne furent ouverts les cabarets « Zum lieben Augustin » (Au cher Augustin), le « Nachtlicht » (veilleuse) et la « Fledermaus » (chauve-souris). Frida Strindberg, qui eut un premier enfant avec August Strindberg et un deuxième avec Frank Wedekind, fonda le premier cabaret à Londres. Auparavant il y eut déjà à Barcelone « El quatre Gats ». A Cracovie, Varsovie, Budapest, St. Pétersbourg, et jusqu’{ Moscou furent créés des cabarets, sur le modèle des cabarets en France et dans le Reich allemand. Mais là où le sens du commerce et une main heureuse pour les spectacles faisaient défaut, un établissement à peine ouvert pouvait cependant être aussitôt fermé. Mais l’élan scénique persista. Tout d’abord. Tout comme { Paris déj{, le « Kneipenbrettl », la scène des « Vagants», sera caractéristique pour cette nouvelle forme d’art. Grâce à lui se réalisera le rêve des artistes de la bohème : la présentation de leurs propres
4 œuvres, libre et en dehors de la vie artistique établie. On est fasciné par l’immédiateté, le caractère direct, de cette nouvelle forme d’art sur scène : au théâtre on jouait quelque chose au public, au cabaret on joue avec les sous-entendus ! Les cachets pour les participants étaient assez rares. La plupart étaient plutôt payés en nature. Ou bien on faisait une collecte. A propos des œuvres des « Vagants » : leurs modèles et racines remontent jusqu’au Moyen Age. Des poésies morales et satiriques, des chansons d’amour et { boire de ce qu’on appelle les « Erzpoeten » (archipoètes). Dans le programme « Arche Nova » du cabaretiste Hanns Dieter Hüsch, l’on rend hommage au rôle du « Archipoeta » avec l’une des chansons du douzième siècle. La collection la plus importante, environ trois cents chansons, découverte en 1803 dans l’Abbaye de Benediktbeuern, et appelées « les chansons de Beuern », ont eu une renommée mondiale avec leur nouvelle composition musicale : Carmina Burana. Les œuvres des Vagants comme oratorio extravagant. Œuvre devenue intemporelle grâce { la musique grandiose de Carl Orff.
Les artistes bohèmes par contre sont un phénomène temporel, lié au temps.
C’est ainsi que les nouveaux cabarets vivent de et pour l’instant présent. Seul le « Simplicissimus » de Munich eu du succès sur le long terme. Dirigé par une présentatrice de qualité acceptable, mais qui était surtout une femme d’affaires géniale : Kathi Kobus. Elle parvint à une symbiose entre art et commerce. Le « Simpl » exista pendant soixante-cinq ans, de 1903 à 1968 – une durée que très peu de cabarets ont réussi à atteindre jusqu’aujourd’hui. Et qui le fréquentait avant la Première Guerre Mondiale ? Dieu et le monde et le gratin de Munich ! Des touristes d’outre-mer, le Prince de Galles. Le tsar Ferdinand de Bulgarie. Le roi de Belgique ! Des capitaines d’industrie, des aristocrates de l´argent. Wilhelm Voigt, le cordonnier, qui fit carrière en tant que « Capitaine de Köpenick », se montre au « Simpl » contre rémunération et vend ses autographes. Et un certain Hans Bötticher, d’abord un habitué, puis auteur pour le « Simpl » de int célèbre sous le nom de Joachim Ringelnatz. Pour mon cinquantenaire une charmante vieille dame m’offrit le « Livre d’Or des Catacombes ». Son mari Tibor Kasics, décédé depuis longtemps, et Werner Finck avaient ouvert ce cabaret en 1929 à Berlin. On trouve dans ce magnifique cadeau un dicton amusant de Joachim Ringelnatz, mais aussi un dessin original de Walter Trier, qui illustra les livres d’Erich Kästner. Des signatures et des dictons de Hans Albers jusqu’{ Carl Zuckmayer, de Klaus et Heinrich Mann, Walter Hasenclever et George Grosz, Max Reinhardt, Erich Mühsam, Gustav Gründgens, de Luigi Pirandello et Erwin Picator jusqu’{ Alfred Döblin et Richard Huelsenbeck.
Ce dernier inventa la formule du mouvement Dada du cabaret :
« Dada est le cabaret du monde, tout autant que le monde, un cabaret, est Dada. » Dans le « Cabaret Voltaire » { Zurich c’est Hugo Ball qui inventa cette forme littéraire comme provocation contre l’indifférence du monde bourgeois face aux horreurs de la Grande Guerre. Kurt Tucholsky et Walter Mehring étaient après 1918 les auteurs de cabaret les plus 5 exceptionnels : chroniqueurs d’une république abandonnée, porte-parole d’une satire combative, mais qui { côté de cela écrivaient également des œuvres poétiques, ou bien des textes merveilleusement drôles pour divertir leur public. Bert Brecht fut stimulé par le cabaret et il développa sa théorie du théâtre épique. Avec les couplets d’un certain Otto Reuter, les chansons de Friedrich Hollaender et Rudolf Nelson, chantées par des stars comme Claire Waldoff et Marlene Dietrich, le cabaret se produisit à Berlin surtout dans les grandes revues et les théâtres de variétés. Karl Valentin incarnait à Munich un comique déraciné, populaire et absurde, une figure aux allures tristes. En 1932, un an avant la prise de pouvoir d’Hitler, Werner Finck est en scène avec un sourire embarrassé et regarde vers l’avenir. Il imagine ce qui va arriver, si les Nazis prennent le pouvoir et prédit: « Pendant les première semaines du troisi me Reich on organisera des défilés militaires. Si ces défilés devaient être empêchés à cause de la pluie, la grêle ou la neige, on fusillera tous les juifs de la région. » Cette blague, comme on pouvait le voir bientôt, n’en fut pas une. Lorsque les Nazis sont au pouvoir, Finck essaie de vivre ces plaisanteries drôles comme une forme de résistance. Des centaines de cabaretistes et d’auteurs satiriques ont passé le «Reich de 1000 ans» dans les camps de concentration. Rappelons que des artistes ont été décorés pour l’exemple d´une étoile de la satire devant ma porte sur la place Romano-Guardini à Mayence : Erich Mühsam, Fritz Grünbaum et Kurt Gerron. Assassinés dans les camps de concentration d’Oranienbourg, de Dachau et d’Auschwitz.
Après le 8 Mai 1945 commence alors une véritable renaissance du cabaret. Dans le cabaret « Trizonesie » on célèbre avec entêtement et mélancolie : Hourra, nous sommes encore en vie. Dans le cabaret « Kom(m)ödchen » (petite comédie) de Düsseldorf l’on définit de nouveaux critères pour les exigences politiques et littéraires, Erich Kästner se remet à écrire à Munich et avec l’émission « Insulanern » (Insulaires), c’est Günter Neumann qui met le cabaret en ondes pendant la guerre froide à l´aide de la radio de Berlin-Ouest RIAS. Il insiste avec Wolfgang Neuss sur les conséquences du refoulement et des années du miracle économique dans la conscience des allemands de l´ouest et fête la St Sylvestre avec la « Münchner Lach- und Schieβgesellschaft » (société munichoise du rire et de tir) et les « Stachelschweine » (porcs-épics) de Berlin { la télévision. C’est ainsi qu’ils deviennent connus pour un large public bourgeois. A cette époque c´est la télévision qui a participé à la grandeur du cabaret politique. En RDA e cabaret s’arrangea plus ou moins pendant plus de quatre décennies avec les limites d’u e censure réelle. Dans le doute et convaincu par une meilleure cause qu’est le socialisme. Un chapitre à part entière – qui a également trouvé un nouveau toit pour héberger sa collection et documentation sur l’histoire du cabaret de la RDA : dans le château de Bernburg an der Saale. 6 Avec Franz-Josef Degenhardt, le cabaret chante { l’Ouest dans les années soixante contre la progression des Néonazis, fait de la propagande avec l’APO (opposition extra-parlementaire) pendant les années soixante-dix très troubles et déclare pour finir avec les textes du « Hagenbuch » de Hanns Dieter Hüsch tout et tous malades et cinglés.
Dans les années quatre-vingts
le cabaret se déchaine avec les « Drei Tornados » (trois tornades) sur une nouvelle scène jeune et alternative, parodie avec Thomas Freitag le chancelier Kohl sans fin, inventeur d’une satire de la réalité « In diesem unserem Land » (dans ce pays, qui est le nôtre), il dissèque avec Gerhard Polt les racines du mental, entretient avec Richard Rogler une liberté intellectuelle et morale tournée vers le cynisme et découvre avec la naissance de la télévision privée l’accroissement de sa valeur marchande. Il oscille dès lors entre cabaret et comédie, entre engagement politique et un sens aigu pour les affaires, entre les cabarets allemands de petite taille et les grandes arènes. « Plaisanterie, satire, ironie et un sens profond », avec lesquels on voulait renverser l’ordre établi, ont progressivement cédé la place plus de cent ans plus tard aux lois de l´industrie du divertissement. Le pays a changé. Un changement de paradigmes en tous lieux. Mais ce fut toujours ainsi au fil du temp . Même les lois fondamentales ne tiennent pas leurs promesses. Tout a son point de départ, son déroulement, sa transition. Et un jour aussi son histoire culturelle – que je peux documenter ici pour le cabaret. Alors : Bienvenue ! Willkommen ! Welcome ! Passez nous voir. Prenez votre temps. Réservez chez nous. Rendez-nous visite. Peut-être que l’on se verra un jour ! Vos Archives nationales des Cabarets Allemands.